musicologie
Paris, 4 mai 2017, par Frédéric Norac ——

Les voix multiples de Marianne Pousseur : Ismène  à l'Athénée Louis Jouvet

Ismene, Mariann Pousseur. Photographie © Michel Boermans.

Marianne Pousseur a de la branche. Elle est la fille d'Henri Pousseur, l'auteur avec Michel Butor de Votre Faust, le premier  opéra aléatoire des temps modernes  que vient de reprendre récemment l'ensemble TM+. L'essentiel de sa carrière depuis la fin des années 80  a été consacrée à la musique du 20e siècle. Interprète distinguée de Schönberg (on lui doit une version de référence du Pierrot lunaire), de Salvatore Sciarrino (dont elle a créé le Lohengrin), de Giacinto Scelsi et des œuvres de son propre père, elle nous revient avec cette Trilogie des éléments inspirée du grand poète grec Yannis Ritsos dont elle est l'interprète mais aussi comme la compositrice.  Au moins partiellement, car Ismène, qui en est le premier volet est la reprise d'une œuvre écrite par Georges Aperghis et qu'elle a créée en 2008. Mais elle y a associé deux autres parties dont elle a elle même composé la musique : Phèdre et Ajax et elle a conçu ce projet en collaboration avec  Enrico Bagnoli pour la mise en scène et les lumières et Diderik De Cock pour le traitement sonore.

Elle affronte ce long monologue d'une heure quinze, en comédienne et en musicienne. C'est Ismène, la petite sœur discrète d'Antigone, désormais vieillie, qui parle. Au crépuscule de sa vie elle raconte  à un jeune officier des bribes de son passé dans son palais délabré au soleil couchant. Elle passe sans solution de continuité d'un récit (en français) tout en demies teintes sur le ton confidence à une profération rythmée et violente du texte original grec, entre chant et cri, avec des écarts de registres et des effets de vocalisation tout à fait impressionnants que transforme et décuple par moments le dispositif sonore. Sur la scène envahie d'eau dont le miroitement  sur le mur de fond sert de décor, elle apparait masquée de blanc, tel le fantôme d'un lointain passé. L'eau ici semble la métaphore d'un temps fluide et impossible à saisir pour ce témoin resté en marge de la grande tragédie de son père et de sa sœur.

La beauté du texte, le grand talent de Marianne Pousseur et la beauté esthétique du dispositif n'empêchent pas momentanément une certaine monotonie de s'installer dont nous (en) réveille au final le bouillonnement soudain de la nappe d'eau sur laquelle se reflète le texte français tandis que la version grecque vient habiller de lettres lumineuses le corps de l'artiste. Elle finit par s'y coucher comme pour s'y dissoudre tout à fait.

À suivre : Phèdre, du 10 au 13 mai et Ajax, du 17 au 20 mai

Frédéric Norac
4 mai 2017
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